


Geoffrey Fong, David Hammond et Mary Thompson sont les lauréats 2012 du prix Lise-Manchester. Ce prix bisannuel est offert par la Société statistique du Canada pour rappeler l’intérêt marqué que feu Dr Lise Manchester portait à l’étude de sujets de société au moyen de méthodes statistiques. Le prix souligne l’excellence de travaux de recherche statistique portant sur des problèmes d’intérêt général et susceptibles d’influencer l’élaboration des politiques publiques au Canada.
Le prix est accordé cette année aux professeurs Fong, Hammond et Thompson pour leurs travaux dans le cadre du projet d’évaluation des politiques internationales de contrôle du tabac (ICT). Le tabac est la principale cause de décès et de maladie au monde ; l’Organisation mondiale de la santé estime qu’il fera un milliard de victimes au 21e siècle. Le projet ICT a été lancé en 2002 par un groupe de chercheurs international en vue de réaliser la toute première étude de cohortes longitudinale sur le tabagisme ; le groupe est dirigé par Geoffrey Fong depuis l’Université de Waterloo. L’objectif du projet ICT est d’évaluer l’impact des politiques de lutte contre le tabagisme de la Convention cadre pour la lutte antitabac de l’OMS (CCLAT), adoptée en 2003 pour lutter contre l’épidémie du tabagisme et ratifiée à ce jour par plus de 170 pays. Depuis sa création, le projet ICT a entamé des études de cohortes de grande envergure dans vingt pays où vivent plus de 50 % de la population et 70 % des fumeurs du globe. C’est le premier et unique effort de recherche international qui vise à mesurer l’impact des politiques de la CCLAT.
Au Canada, le professeur Fong et son collègue David Hammond ont joué un rôle majeur dans l’élaboration de politiques de lutte contre le tabagisme fondées sur l’utilisation de mises en garde et la promulgation de lois antitabac. Les mémoires que Fong et Hammond ont présentés à Justice Canada et à Santé Canada ont démontré, preuves à l’appui, l’utilité de mises en garde accrues et la nécessité d’éliminer les appellations « cigarettes légères/douces ». Leurs travaux ont contribué à faire progresser les politiques et les lois. Mary Thompson dirige le Centre de traitement des données de l’ICT ; situé à Waterloo, ce centre est responsable des plans d’échantillonnage, de la collecte, du traitement et de la gestion des données, ainsi que d’une grande partie de leur analyse. Lors de sa comparution devant le Comité permanent de la santé de la Chambre des communes en décembre 2010, le professeur Fong a fait appel au volet canadien du projet ICT pour démontrer que tous les indicateurs d’efficacité des étiquettes de mise en garde étaient en baisse depuis sept ans. Son témoignage a largement influencé la décision du gouvernement de rétablir une réglementation imposant de nouvelles étiquettes imagées et plus visibles sur les produits du tabac.
Le projet ICT a eu une influence considérable sur la lutte contre le tabagisme dans de nombreux pays. Ainsi, l’étude ICT menée au Bangladesh a montré que l’augmentation du taux de tabagisme était due en bonne partie au fait que le tabac y est bon marché et peu taxé. L’équipe du projet ICT au Bangladesh travaille désormais avec l’administration nationale du revenu, en collaboration avec l’OMS, pour augmenter les taxes sur les produits du tabac.
En ce qui concerne les mises en garde sur les paquets de cigarettes, David Hammond a conseillé l’Organisation mondiale de la santé lors des négociations de la CCLAT ; les recherches ICT sont citées dans les directives de la CCLAT et dans les rapports de consultation et les évaluations d’impact de la réglementation dans plus de douze pays. Les gouvernements ont aussi utilisé les conclusions du projet ICT pour défendre la législation antitabac contre l’industrie devant les tribunaux américains et britanniques, entre autres. Les recherches ICT ont également joué un rôle dans l’élaboration de politiques de restrictions en matière de publicité et de marketing du tabac, ainsi que les lois interdisant l’usage du tabac.
Geoffrey Fong est professeur au Département de psychologie et à l’École de santé publique et des systèmes de santé de l’Université de Waterloo ; il est aussi chercheur principal à l’Institut ontarien de recherche sur le cancer. Né en Californie, il a fait ses études de premier cycle en psychologie à Stanford et un doctorat en psychologie sociale à l’Université du Michigan. Il a occupé des postes de professeur à Northwestern University et à Princeton avant de venir à l’Université de Waterloo en 1988. Expert reconnu en matière de méthodes de recherche, de jugement et de prise de décision, ainsi que de persuasion et d’influence sociale, il s’intéresse de longue date à la méthodologie statistique. Outre ses travaux sur la lutte contre le tabagisme, le professeur Fong a étudié les effets de l’intoxication à l’alcool sur les comportements à hauts risques de santé (p. ex., les rapports sexuels à risque) et la création, la mise en œuvre et l’évaluation (à l’aide d’essais contrôlés randomisés) d’interventions comportementales pour réduire le risque de VIH/SIDA chez les adolescents marginalisés. À titre de fondateur et de chercheur principal responsable du projet ICT, il consacre beaucoup de temps à visiter les pays partenaires de l’ICT, les organisations internationales et les forums sur la politique pour travailler avec les gouvernements, les organisations antitabac et autres, afin d’accroître et de renforcer les politiques actuelles de lutte contre le tabagisme sur la base des conclusions de l’ICT. Il a vu ses efforts récompensés notamment par un Prix des plus grandes réalisations du Canada dans la recherche en santé en 2009 (avec David Hammond et Mary Thompson), décerné par les IRSC et le Journal de l’Association médicale canadienne, le Prix de l’application des connaissances des IRSC 2011 et une bourse de recherche de cinq ans en matière de l’Institut de recherche de la Société canadienne du cancer (2011-2016).
David Hammond est professeur agrégé à l’École de santé publique et des systèmes de santé de l’Université de Waterloo. Il est né à Vancouver et a obtenu un baccalauréat en psychologie de l’Université de Colombie-Britannique. Il a fait son doctorat en psychologie à l’Université de Waterloo sous la direction du professeur Fong. Ses travaux actuels portent notamment sur la politique antitabac telle qu’elle s’applique à la communication en matière de santé, l’emballage et la réglementation des produits, ainsi que sur l’étiquetage nutritionnel et la prévention de l’obésité. Il effectue aussi des études sur la réduction des risques et d’autres questions de politique de santé. Il travaille en étroite collaboration avec divers gouvernements du monde entier et a été conseiller auprès de l’Organisation mondiale de la santé. Il s’est vu décerner le Prix 2010 du meilleur jeune chercheur du Canada par les Instituts de recherche en santé du Canada et a reçu, de concert avec Geoffrey Fong et Mary Thompson, un Prix IRSCJAMC des plus grandes réalisations du Canada en matière de recherche en santé dans le cadre du projet ICT ; il recevra en 2013 le JarvikRussell Young Investigator Award de la Society for Research on Nicotine and Tobacco, un prix qui honore un jeune chercheur ayant contribué de manière exceptionnelle à la recherche sur la nicotine et le tabac. Le professeur Hammond est souvent appelé à intervenir dans les médias ou à titre d’expert témoin ; il a joué un rôle de soutien essentiel auprès des gouvernements dans leur volonté d’introduire des politiques novatrices, comme c’est le cas en Australie avec la future banalisation des emballages des produits de tabac.
Mary Thompson est professeure émérite en statistique et en actuariat à l’Université de Waterloo. Née à Winnipeg, elle a vécu toute sa vie en Ontario, sauf pendant ses quatre années d’études doctorales en statistique à l’Université de l’Illinois. Ses travaux de recherche portent sur les méthodes d’enquête et la théorie de l’estimation. Elle s’est associée au projet ICT dès sa création en 2002 et dirige actuellement le Centre de traitement des données de l’ICT à Waterloo. Elle est responsable des plans d’échantillonnage des enquêtes de cohortes et a participé très activement aux analyses de données qui sous-tendent les recommandations de politique, en plus de superviser la gestion des bases de données. Elle a été présidente (1993-1994) du Groupe des méthodes d’enquête de la Société statistique du Canada et membre du Comité consultatif sur les méthodes statistiques de Statistique Canada (1995-présent). Elle est membre élu de l’Institut international de statistique (1977) et compagnon de l’Association des statisticiens américains (1985) et de l’Institut de statistique mathématique (1998). En 2003, elle a reçu la médaille d’or de la Société statistique du Canada pour ses contributions à la science, en plus d’être présidente de la Société. En 2006, elle a été élue à la Société royale du Canada. En 2004, elle a été l’un des trois premiers professeurs de Waterloo à recevoir le titre honorifique de Professeur d’université. Enfin, en 2007, elle a reçu le prix qu’elle chérit le plus, le Prix d’excellence de l’Université de Waterloo pour la supervision d’étudiants des cycles supérieurs.
« En reconnaissance de leur travaux fondés sur des méthodes d’enquête et des plans d’analyse de politiques rigoureux dans le cadre du projet d’évaluation des politiques internationales de contrôle du tabac ; pour leur collaboration avec les organismes gouvernementaux canadiens ; pour l’influence directe et marquée qu’ils ont exercée sur les politiques et les lois canadiennes concernant l’usage du tabac, ainsi que sur diverses politiques et initiatives antitabac, notamment en matière d’étiquetage, dans plus de vingt pays du monde ».