Voici comment j’ai percé le secret de Déroule le rebord pour gagner (presque) chaque fois

(Photo Illustration/The Conversation), CC BY-NC

Un professeur de statistique a utilisé son expertise en probabilités pour arriver à un pourcentage de victoires de 98 % au concours si populaire de Tim Hortons, Déroule le rebord. 

En 2003, le statisticien géologue Mohan Srivastava a percé le secret d’un jeu de loterie canadien. Après avoir reçu en cadeau un ticket à gratter, il a repéré une faille dans le jeu. Mettant à profit ses compétences en probabilité, il a déterminé comment identifier les billets gagnants avant de passer à l’achat. Cela ne l’a pas rendu riche—« cela ne valait pas mon temps de battre la banque », affirme-t-il—mais son expérience montre qu’il est très difficile de créer un jeu réellement aléatoire.

Tim Hortons a lancé sa promotion Déroule le rebord annuelle à la mi-mars. En raison de la pandémie du coronavirus, les gobelets physiques iconiques du concours ont été remplacés par un jeu numérique sur l’appli de fidélité de l’entreprise. Ce changement a entraîné des conséquences majeures pour la manière dont les prix devaient être attribués. Cela a également créé l’occasion de mettre les chances bien plus fermement de votre côté.

Sous l’ancien format, les mécanismes du jeu étaient simples. Tim Hortons imprimait des millions de gobelets promotionnels, dont environ un sur six donnait droit, sous le rebord papier, à un prix. Si la compagnie pensait vendre 180 millions de cafés pendant la période du concours, elle imprimait 180 millions gobelets promotionnels et en faisait 30 millions de gagnants. Les restaurants vendaient alors les gobelets jusqu’à rupture des stocks.

Cela voulait dire, alors même que Tim Hortons ne pouvait prédire parfaitement combien de cafés ils vendraient pendant le concours, les chances de gagner restaient les mêmes. Si les ventes étaient exceptionnellement élevées, les gobelets viendraient à manquer plus tôt. Si les ventes étaient faibles, le concours durerait un peu plus longtemps. D’une manière ou d’une autre, le nombre de prix et de gobelets vendus—le numérateur et le dénominateur de notre équation de probabilité—étaient fixes.

Les « rebords numériques » ont changé la donne

Cette année, la numérisation du jeu a tout changé. Plutôt que des gobelets physiques, les joueurs touchaient des « rebords numériques » avec leurs achats. Ils pouvaient les dérouler à tout moment en cliquant sur un gobelet virtuel dans l’appli.

Contrairement aux gobelets physiques cependant, Tim Hortons ne pouvait contrôler combien de rebords numériques allaient être distribués. Tout dépendait des ventes réelles pendant les quatre semaines du concours. Le nombre de prix (ou numérateur) demeurait fixe, mais le nombre de participants (ou dénominateur) leur échappait. L’entreprise devait trouver une nouvelle façon de distribuer les prix.

La solution, comme je l’ai expliqué avant le début du concours, signifiait que Déroule le rebord allait ressembler à une machine à sous.

Les modifications apportées au concours Déroule le rebord en ont fait une sorte de machine à sous

Chaque prix—du café à la voiture—était affecté à un « intervalle gagnant », une brève période de temps pendant laquelle il pouvait être remporté. Si vous étiez le premier joueur à appuyer dans l’appli pendant cet intervalle de temps, vous remportiez le prix. Tim Hortons pouvait ainsi distribuer tous les prix annoncés sur la période du concours et chacun d’entre eux pouvait—au moins en théorie—être remporté.

Cependant, comme certains de ces intervalles gagnants n’étaient que de 0,1 seconde, il était certainement possible que certains d’entre eux s’écouleraient sans que personne n’y joue. Anticipant cela, Tim Hortons a inclus une règle selon laquelle tout prix non réclamé était reconduit à un autre jour du concours, jusqu’au tout dernier jour. Un prix resterait non réclamé uniquement s’il n’était pas gagné à la date limite du concours, soit le 21 avril à minuit. Alors même que le concours prenait fin en restaurant le 7 avril, les joueurs avaient deux semaines de plus pour dérouler leurs rebords numériques.

Des prix reconduits

Ce nouveau format de jeu signifiait que vos chances de gagner dépendaient non seulement du nombre de rebords numériques que vous aviez accumulés, mais également du nombre d’autres joueurs participant au concours. Si les ventes étaient faibles, alors moins de personnes joueraient—et davantage d’intervalles gagnants s’écouleraient sans que leur prix ne soit remporté. Ces prix non réclamés seraient reconduits—et continueraient à l’être—jusqu’à la fin du concours.

On ne sait pas si l’isolement social a eu un impact sur le nombre de personnes qui ont joué à Déroule le rebord cette année. 

Nous ne le savons pas avec certitude parce que Tim Hortons n’a pas annoncé ses chiffres de vente pour la période du concours, mais il est raisonnable d’assumer que moins de cafés se sont vendus pendant le confinement dû à la pandémie du coronavirus. Une baisse des ventes pouvait théoriquement améliorer les chances de gagner un prix via l’appli, mais il fallait jouer pour le savoir.

En tant que professeur de statistique, il me semblait approprié d’effectuer une petite expérience. Je savais qu’il y avait peu de chances de gagner un gros lot—plus de 99 % des prix du concours sont des cafés ou des beignes—mais j’étais statistiquement curieux.

D’autres facteurs devaient être pris en compte. Dans quelle mesure les prix étaient-ils distribués de manière aléatoire? Y avait-il plus de chances de les remporter au début du concours? À quels moments de la journée les gens jouaient-ils? Avais-je plus de chances de gagner en jouant au milieu de la nuit? Aucun moyen de le savoir avec certitude, mais j’ai émis quelques hypothèses, puis je me suis mis au travail.

Une avalanche de prix non réclamés

En tirant parti de diverses façons d’obtenir des roulements supplémentaires (par exemple, en ayant sur moi un gobelet réutilisable ou en faisant des achats via l’appli), j’ai accumulé 96 « rebords ». J’ai ensuite attendu jusqu’au tout dernier jour du concours pour les dérouler. Si ma théorie était correcte, alors sur la base des modèles statistiques que j’avais calculés avant de jouer, il resterait une avalanche de prix non réclamés à gagner.

Me levant à 5 heures du matin (je voulais minimiser le risque de jouer au même moment que quelqu’un d’autre), j’étais enfin prêt à dérouler mes rebords.

Du tout premier coup, j’ai remporté un café gratuit. Bon départ, mais j’avais peut-être simplement été chanceux.

L’auteur Michael Wallace a remporté 67 cafés et 27 beignes en l’espace de quelques minutes en calculant le meilleur moment pour jouer à Déborde le rebord.

J’ai rejoué. Un autre café. Puis une beigne. Puis un autre café. Il m’a fallu près de 15 minutes pour dérouler mes 96 rebords.

J’ai perdu deux fois.

Je n’ai pas gagné de voiture, ni de téléviseur, ni même une carte cadeau Tim Hortons de 25 $, mais je ne m’y attendais pas. J’ai remporté 67 cafés et 27 beignes—mes modèles statistiques avaient prédit que j’en gagnerais 66 et 28.

Avec 94 participations gagnantes sur 96 participations, j’avais eu un taux de succès de 98 %. Avant le concours, Tim Hortons estimait que les chances de gagner d’un joueur étaient de 1 sur 9, soit environ 11 %. En identifiant des éléments prévisibles dans un processus en apparence aléatoire, j’ai réussi à radicalement modifier la donne. Je raconterai cela à mes étudiants en probabilité pendant des années à venir.

Comme Mohan Srivastava, je savais que ce n’était pas une façon de m’enrichir rapidement. Les chances de remporter un gros lot—même si presque chaque rebord était gagnant—demeurent incroyablement faibles.

Les règles du concours suggèrent que la valeur de mes prix, si je réclame les cafés et les beignes les plus chers, est d’environ 500 $. Pas mal comme retour sur investissement, mais je vais plutôt voir si Tim Hortons peut redonner ces prix à mon hôpital local.

 

Par Michael Wallace, professeur adjoint au Département de statistique et de science actuarielle de l'Université de Waterloo

Cet article est republié de The Conversation sous une licence Creative Commons. Lisez l'article original.

Cette nouvelle a aussi été reprise par MacleansCTV Kitchener et bien d'autres médias du groupe Metroland Media en Ontario. Wallace a également été interviewé à l'émission Lynda Steele à la CKNW 980 de Vancouver.

Crédit : (Illustration photo/The Conversation), CC BY-NC

Mercredi, 22 avril, 2020

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