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Helene Massam
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Hélène Massam (1949–2020)

 

 

Hélène Massam, professeure de statistique à l’Université York de Toronto, est décédée le 22 août 2020 des suites d’un accident vasculaire cérébral. Elle avait 71 ans.

 

Née le 10 janvier 1949, Hélène Menexia Kampouris était la fille unique d’humbles immigrés grecs installés en France avant la Seconde Guerre mondiale et vivant dans des conditions matérielles et sociales difficiles dans la zone portuaire de Marseille. Hélène était chérie de ses parents, qui nourrissaient l’immense talent et la soif de connaissance qui permettraient à leur fille de mener une vie exemplaire et une carrière universitaire très réussie.

 

Hélène fréquenta le Lycée Montgrand de Marseille, y compris pour trois années de classes préparatoires aux Grandes Écoles, ces établissements d’enseignement supérieur réputés pour leurs concours d’entrée si sélectifs. En 1969, elle fut admise à l’École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud, aujourd’hui intégrée à l’École normale supérieure de Lyon.

 

Après avoir épousé le géographe Bryan Massam en juillet 1969, Hélène partit avec lui pour Montréal, où elle entreprit des études de mathématiques à l’Université McGill. Elle décrocha un BSc (Special Honors) en 1971 et poursuivit des études supérieures en optimisation sous la supervision de Sanjo Zlobec. Elle termina sa maîtrise en 1973 et son doctorat en 1977 grâce à une thèse intitulée « Mathematical Programming with Cones ». C’est également au cours de cette période qu’elle eut ses deux enfants, Alexandra (née en 1974) et Laurent (né en 1976).

 

En 1977, la famille déménagea en Ontario, où Hélène entra à l’Université de Toronto en tant qu’associée de recherche (1977–78) avant d’y être boursière postdoctorale (1978–81) et chargée de cours (1981–84). C’est là qu’elle développa son intérêt pour la statistique sous les encouragements de Don Fraser. Ils collaborèrent tout au long des années 1980 et cosignèrent sept articles conjuguant souvent optimisation et inférence dans des contextes de régression classique, mais aussi sur des cylindres et des sphères.

 

Hélène devint professeure adjointe de statistique à l’Université York en 1984. Elle fut promue aux rangs d’agrégé en 1988 et de titulaire en 1996. Elle y demeura affiliée jusqu’à la fin de sa carrière bien qu’elle fut en congé sans solde à l’Université de Virginie de 1997 à 2001. À la faveur de sabbatiques, elle voyagea aussi beaucoup, notamment en France, en Italie et en Tunisie.

 

L’année 1989 marqua un tournant dans la vie d’Hélène. Elle vécut une rupture sans que la famille en soit ébranlée. Elle réorienta aussi ses recherches, comme en témoigne son article en solo dans la revue JRSS-B sur un théorème de décomposition exact pour un échantillon de la loi hyperboloïde trivariée. Elle aborda par la suite des problèmes de décomposition pour diverses classes de familles exponentielles, ce qui mena à son premier papier dans The Annals of Statistics en 1994. Au fil des ans, elle signa une douzaine d’articles dans cette revue de premier plan.

 

Peu à peu Hélène en vint à s’intéresser aux propriétés structurelles de la grande classe des lois de Wishart et à diverses questions d’inférence liées à leur utilisation. Elle consacra une part importante de ses travaux à ce sujet. Son principal collaborateur, Gérard Letac, commit avec elle plus de 20 articles sur des thèmes connexes et finit par devenir son compagnon de vie.

 

Avec ses collaborateurs, Hélène a démontré un théorème de type Craig-Sakamoto et étudié les propriétés des lois de Wishart sur des cônes symétriques. Elle a exploré la régression quadratique et inverse pour les modèles de Wishart, caractérisé la loi normale-Wishart, calculé les moments de la Wishart complexe et abordé le cas encore plus délicat de l’analogue réel. Elle s’est penchée sur l’existence d’une loi de Wishart décentrée pour un paramètre de forme continu, a conçu des schémas de simulation efficaces pour la Wishart hyper-inverse et la G-Wishart, et bien plus.

 

Forte de ses connaissances sur les lois de Wishart, Hélène fut naturellement conduite à en étudier le rôle dans les modèles graphiques. On lui doit des lois de type Wishart pour les graphes décomposables, des lois a priori conjuguées pour les graphes non décomposables, des lois de référence pour des modèles graphiques décomposables discrets, etc. Elle a aussi étudié l’estimation de la covariance et des tests pour diverses classes de modèles graphiques.

 

En 2008, Hélène fut nommée « fellow » de l’Institut de statistique mathématique pour ses travaux sur les lois de Wishart et les modèles graphiques. Par la suite, elle contribua beaucoup à la théorie et à l’inférence portant sur les modèles hiérarchiques discrets, étudia l’emploi de ces modèles en haute dimension et mit sa vaste expertise des modèles graphiques au profit des applications, notamment en génomique. Souvent invitée à prendre la parole dans des congrès, elle donna aussi des cours à Sfax (Tunisie) et à Pau (France). Elle est restée très active jusqu’à son décès en août 2020; elle avait alors à son actif 64 articles et trois chapitres de livre, quatre articles en cours d’évaluation et plusieurs travaux en cours.

 

Au fil des ans, Hélène a encadré six étudiants de 2e cycle, 10 thésards et sept post-doctorants. Elle poussait ses étudiants à se dépasser et était appréciée et respectée pour son grand dévouement à leur endroit. Elle a aussi soutenu de nombreux jeunes collègues et a joué un rôle actif dans la création du programme de doctorat en statistique et du service de consultation statistique à York. Elle a servi la communauté dans son ensemble en organisant des ateliers et des programmes de recherche à l’Institut Fields, à SAMSI et pour l’INCASS, entre autres. Elle a été membre du comité de rédaction fondateur de la revue Bayesian Analysis (2004–09) et rédactrice adjointe pour le Journal of Multivariate Analysis (2010–13) et The Annals of Statistics (2015–19).

 

Calme et réservée, Hélène était forte et résiliente face à l’adversité. C’était une femme de culture qui aimait la littérature, la musique classique et l’opéra. Elle était aussi amateur de randonnées en montagne. Au fil des ans, elle avait trouvé la paix intérieure et nous a quittés sereine. Elle laisse dans le deuil ses enfants bien-aimés Alexandra (Martin Choquette) et Laurent (Joanna Swinburne), ses petits-enfants Katherine et Mathieu Choquette, Alexa, Elise et Luc Massam, son compagnon Gérard, ainsi que de nombreux amis et collègues. Elle nous manquera beaucoup.

 

Par Christian Genest (Université McGill) et Xin Gao (Université York)

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