Ruben H. Zamar, professeur de statistique à l’Université de Colombie-Britannique, est décédé le 28 juin 2023. L’esprit curieux de Ruben, combiné à ses idées novatrices, lui a permis d’élargir et d’améliorer le domaine de la statistique robuste et de le rendre plus pertinent.
Ruben est né à San Pedro, dans la province de Jujuy, en Argentine, le 20 décembre 1949. Après avoir obtenu son diplôme de comptable à l’Université nationale de Cordoba en 1973, il a commencé à enseigner à l’Université nationale de Rio Cuarto, à Cordoba, en Argentine. Il a obtenu deux maîtrises, l’une en statistique (Chili, 1977) et l’autre en mathématiques (Brésil, 1981), avant de déménager avec sa famille à Seattle pour poursuivre ses études à l’Université de Washington. En 1985, Ruben a obtenu son doctorat en statistique sous la direction du professeur Douglas Martin. En 1986, il a rejoint le tout nouveau Département de statistique de l’Université de Colombie-Britannique, à Vancouver, qui est devenu son foyer académique pour le reste de sa belle carrière.
La carrière de Ruben a commencé au moment où le développement et la croissance du domaine alors émergent de la statistique robuste étaient à leur apogée. Ruben a d’abord travaillé sur la théorie générale de la robustesse quantitative. Malgré de nombreuses contributions fondamentales passionnantes dans ce domaine, il était troublé par le peu d’outils disponibles pour évaluer le degré de robustesse de différents estimateurs. Pendant ses études de doctorat, il avait été enthousiasmé par le concept de biais asymptotique maximal (maxbias), proposé à l’origine par Peter Huber pour le modèle de localisation simple (1964), mais qui n’avait pas été pleinement examiné dans d’autres scénarios. Dans sa thèse, Ruben a dérivé et étudié les fonctions maxbias et les estimateurs de biais minimax pour des modèles plus complexes, y compris la régression linéaire et orthogonale. Son travail pionnier dans la théorie du biais minimax s’est avéré un outil théorique très important dans la robustesse quantitative, outil qui a permis le développement d’outils d’inférence globalement robustes.
Les contributions de Ruben à la recherche sont remarquables tant par leur ampleur que par leur profondeur. Il a publié plus de 80 articles évalués par des pairs, la plupart d’entre eux avec d’éminents collaborateurs et étudiants diplômés. Il a entretenu un réseau prolifique de collaborations nationales et internationales qui lui ont permis d’apporter des contributions novatrices dans ce domaine. Parmi les exemples notables, on peut citer le développement d’une méthode de bootstrapping robuste pour les estimateurs de régression linéaire, des estimateurs robustes pour les modèles d’erreur de mesure, et une méthode de sélection de modèle robuste pour les environnements complexes à haute dimension. Les recherches de Ruben ont porté sur de nombreux autres problèmes difficiles tels que le regroupement robuste, le traitement d’images, la bioinformatique et l’estimation des matrices de covariance.
En 2009, Ruben et ses collègues ont introduit ce qui est rapidement devenu un nouveau paradigme dans le domaine de la statistique robuste : le modèle de contamination indépendante, qui décrit la propagation indépendante de valeurs aberrantes telle qu’elle est observée dans les données modernes à haute dimension. Leur article révolutionnaire publié dans les Annals of Statistics a ouvert une nouvelle voie pour les contributions théoriques et informatiques dans ce domaine. Selon les propres termes de Ruben, « la propagation de valeurs aberrantes est un problème statistique sérieux et notre modèle pourrait devenir un outil important dans le contexte de l’analyse robuste des ensembles de données à haute dimension ». Ses standards de recherche élevés lui ont également valu des postes d’éditeurs associés dans les Annals of Statistics (2004–2007), Test (1998–2001) et le Journal of the American Statistical Association (1991–1993). Parmi ses nombreuses récompenses, notons sa nomination en 2021 au titre membre de l’Institut des sciences mathématiques pour ses contributions fondamentales au domaine de la statistique robuste.
Son engagement sans relâche à la recherche allait de pair avec son dévouement total envers ses étudiants diplômés et la communauté statistique. Lors de l’une de nos dernières conversations, Ruben nous a affirmé : « J’ai toujours fait ce que je pensais être important ». Il était un éducateur dévoué et un conseiller et mentor exemplaire qui travaillait sans relâche pour soutenir et encourager les idées de ses étudiants. Il a supervisé huit boursiers postdoctoraux, dix doctorats et seize maîtrises. Il a également entretenu des liens académiques étroits avec des chercheurs de son pays d’origine, l’Argentine, ce qui a donné lieu à de nombreuses collaborations et à la cosupervision d’étudiants de troisième cycle. Ses étudiants et ses collaborateurs se souviennent de Ruben comme d’une personne talentueuse, humble et pleine de joie avec qui travailler.
Ruben était un collègue aimable, généreux de son temps et de ses idées, ainsi qu’un mentor et un ami hors pair. Il avait une capacité étonnante à identifier et à encourager les qualités uniques de chacun, et il a inspiré beaucoup d’entre nous à être la meilleure version possible de nous-mêmes. Le poète Patrick Lane a écrit dans son livre There is a Season : « Que le cairn ait disparu ou non, les pierres restent comme des fantômes dans mes mains et cela suffit. » Les innombrables leçons et discussions de Ruben, son enthousiasme contagieux pour la recherche et ses rires amicaux resteront toujours dans nos cœurs. Ruben laisse dans le deuil sa femme Magui, ses fils Ruben Jr. et David, et son petit-fils Sebastian. Ils ont toujours été aux côtés de Ruben, soutenant ses efforts. Il nous manquera beaucoup.
Gabriela Cohen Freue et Matias Salibián-Barrer