Lauréat du prix Lise-Manchester 2024

Jonathan Jalbert
Christian Genest
Luc Perreault
Lauréat du prix Lise-Manchester
2024

Jonathan Jalbert (Polytechnique Montréal), Christian Genest (Université McGill) et Luc Perreault (Institut de recherche d’Hydro-Québec) sont les récipiendaires du prix Lise-Manchester 2024. Ce prix, décerné tous les deux ans par la Société statistique du Canada, commémore l’intérêt marqué de feue Lise Manchester pour l’étude de sujets de société au moyen de méthodes statistiques. Le prix souligne l’excellence de travaux de recherche statistique portant sur des questions d’intérêt public susceptibles de guider l’élaboration de politiques publiques au Canada.
 

Jonathan (PhD, 2016, Université Laval et INP ENSE3, Grenoble) est professeur agrégé de mathématiques et de génie industriel à Polytechnique Montréal. Il utilise la théorie des valeurs extrêmes, la statistique spatiale et l’approche bayésienne pour analyser de grands ensembles de données provenant de modèles climatiques afin d’évaluer les risques d’inondation, de déterminer la vulnérabilité des infrastructures aux risques climatiques et d’actualiser les critères de dimensionnement des ouvrages publics dans des conditions climatiques non stationnaires.

Christian (PhD, 1983, University of British Columbia) est professeur et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en modélisation de la dépendance stochastique à l’Université McGill. Bien connu pour ses apports novateurs en théorie des valeurs extrêmes et en modélisation par copules, il s’intéresse depuis longtemps aux applications des méthodes statistiques en assurance, en finance et en hydrologie. Ces dernières années, son attention s’est portée sur la conception de modèles bayésiens hiérarchiques permettant l’estimation de la fréquence d’événements rares.

Luc (PhD, 2000, ENGREF Paris et INRS-ETE, Québec) est chercheur principal et gestionnaire de projet à l’Institut de recherche d’Hydro-Québec, à Varennes. Son expertise porte sur l’analyse des séries temporelles, la théorie des valeurs extrêmes et les méthodes de calcul bayésien. Il a publié de nombreux articles sur des questions liées à l’analyse fréquentielle, aux prévisions probabilistes, au post-traitement statistique des prévisions météorologiques d’ensemble et aux modèles de changement de régime appliqués aux données hydrométéorologiques.

La collaboration entre Christian, Luc et Jonathan est née lorsque ce dernier a entamé son stage postdoctoral à McGill en 2016. Avec des collègues et des étudiants, ils ont réalisé ensemble divers projets portant sur la modélisation et l’analyse d’événements météorologiques extrêmes dans le contexte des changements climatiques. Citons entre autres l’estimation du temps de retour de l’inondation dévastatrice survenue dans la vallée du Richelieu en 2011, l’élaboration d’un nouveau modèle pour le post-traitement statistique des prévisions météorologiques d’ensemble, ainsi qu’une analyse prévisionnelle des périodes d’étiage de la rivière des Prairies, qui est une source majeure d’eau potable pour la région métropolitaine de Montréal.

Le prix souligne plus spécifiquement le caractère créatif et l’impact sur les politiques publiques canadiennes de leur récent article dans le Journal of Agricultural, Biological and Environmental Statistics (vol. 27, 2022). Dans ce papier, Jonathan, Christian et Luc décrivent une stratégie bayésienne hiérarchique pour la modélisation spatiale des précipitations extrêmes au Canada qui prend en compte certaines variables orographiques et une reconstruction de la météorologie historique issue du modèle régional canadien du climat (MRCC).

Basé sur des équations complexes qui reflètent les principales interactions physiques entre l’atmosphère, les océans, la glace et la surface de la Terre, le MRCC fournit des données synthétiques sur la température, les précipitations, l’humidité, le vent, etc. sur un fin treillis spatio-temporel. L’emploi innovant de ces informations, qui a posé d’énormes défis techniques, a permis à Jonathan, Christian et Luc de produire des estimations de paramètres spatialement cohérentes pour les lois de valeurs extrêmes généralisées pour les fortes précipitations et, par suite, des courbes intensité-durée-fréquence (IDF) valides partout sur le territoire canadien.

À l’heure actuelle, ce sont les courbes IDF produites par Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) que les ingénieurs d’un océan à l’autre utilisent pour concevoir des réseaux de drainage urbain ou autres infrastructures. Toutefois, ces courbes ne sont disponibles qu’aux sites de cueillette de données. Le réseau canadien de stations pluviométriques étant épars, hormis dans les zones densément peuplées, les utilisateurs n’ont d’autre choix que de se référer à des courbes IDF correspondant à des sites se trouvant parfois à des dizaines, voire des centaines, de kilomètres. De plus, ces courbes ne sont ni spatialement cohérentes, ni adaptées aux changements climatiques. L’approche développée par Jonathan, Christian et Luc a le potentiel de résoudre ces problèmes et a déjà été intégrée aux opérations d’Hydro-Québec. Un projet en partenariat avec ECCC vise dorénavant à améliorer cette méthodologie et à en répandre l’usage.

Une version embryonnaire de cette approche avait déjà été utilisée par Jonathan et Christian, de concert avec un doctorant, Nicholas Beck, et Mélina Mailhot, professeur d’actuariat à l’Université Concordia, pour quantifier l’ampleur des ondes de tempête extrêmes sur la côte atlantique du Canada. Ces travaux, dont une grande compagnie d’assurance canadienne s’est servie pour déterminer les primes d’un nouvel avenant contre les inondations côtières, leur ont valu le prix de la meilleure présentation lors de la 11e Conférence internationale sur l’analyse des valeurs extrêmes et le prix Wiley-TIES pour le meilleur article publié dans Environmetrics en 2020.

La dédicace du prix est la suivante: 

La dédicace du prix est la suivante : « À Jonathan Jalbert, Christian Genest et Luc Perreault, pour leurs efforts soutenus visant à élaborer et à mettre en œuvre des modèles complexes pour les phénomènes météorologiques extrêmes, et en reconnaissance de l’influence sur les politiques publiques canadiennes de leur plus récente innovation permettant l’interpolation des extrêmes pluviométriques sur de vastes domaines grâce à l’incorporation de données auxiliaires émanant de modèles climatiques. »

Le dossier de candidature a été constitué par François Bellavance (HEC Montréal).