La lauréate 2021 du prix de la Société statistique du Canada pour l'impact du travail appliqué et collaboratif est Thérèse Stukel, scientifique principale à l'ICES de Toronto et professeure à l'Institut des politiques, de la gestion et de l'évaluation de la santé de la University of Toronto. Le prix reconnaît les contributions exceptionnelles d'un membre de la SSC dans le domaine de la recherche collaborative et du travail appliqué, dont l’importance provient principalement de leur impact relativement récent sur un sujet autre que celui des sciences de la statistique, sur un domaine d’application ou encore sur un organisme.
Thérèse Stukel a obtenu un baccalauréat (avec spécialisation) en mathématiques (magna cum laudae) de l'Université d'Ottawa en 1973 et a complété le Diplôme d'Études Approfondies (DEA) en Statistique à l'Université de Paris XI en France en 1975. Elle a obtenu un doctorat du Département de statistique de la University of Toronto en 1983. Au cours d'un congé sabbatique à la London School of Hygiene and Tropical Medicine en 1999-2000, elle a suivi les cours du programme de maîtrise sur la politique, la planification et le financement de la santé à la London School of Economics (LSE).
Thérèse est surtout connue pour ses recherches révolutionnaires sur les méthodes statistiques d'analyse des études d'observation, en particulier sur l'utilisation de variables instrumentales (VI) pour éliminer les facteurs de confusion non mesurés et le biais de survie dans les études sur les soins de santé (Stukel et al., Journal of the American Medical Association, 2007), qui a été nominée pour le Lancet Paper of the Year 2007. Elle est co-auteure d'une publication influente sur le système de santé américain utilisant des méthodes VI démontrant que des dépenses de santé plus élevées n'entraînent pas de meilleurs résultats. Cet article a reçu une attention médiatique extraordinaire et a été sélectionné pour être présenté au Congrès américain comme l'un des dix articles de recherche ayant un impact significatif sur la science. En utilisant les mêmes méthodes, elle a été la première auteure d'une étude montrant qu'au Canada, les hôpitaux qui dépensent plus sont associés à de meilleurs résultats pour les patients en soins aigus, ce qui démontre les avantages d'un système à payeur unique avec des dépenses globales plus faibles et un accès sélectif aux technologies médicales (Stukel et al., Journal of the American Medical Association, 2012).
Ses innovations statistiques sont largement utilisées par les scientifiques des centres de recherche canadiens à forte intensité de données, tels que le Manitoba Centre for Health Policy et Population Data BC, ainsi qu'au niveau international. Ses recherches actuelles portent sur les effets des ressources et de l'organisation du système de santé sur la prestation des soins et les résultats au Canada et aux États-Unis, y compris via des études comparatives internationales.
Ses recherches appliquées sont régulièrement menées en collaboration avec des décideurs de haut niveau, afin de garantir leur pertinence politique et de faciliter leur mise en œuvre. Elle a défini les limites des réseaux locaux d'intégration des services de santé (RLISS) de l'Ontario pour le ministère de la Santé de l'Ontario, en se basant sur les habitudes de déplacement pour les hospitalisations. Elle a également créé les réseaux de médecins multi-spécialités de l'Ontario, des réseaux virtuels de médecins qui imitent les Accountable Care Organizations américaines, et a évalué leur efficacité (qualité par rapport aux coûts) dans la gestion des patients atteints de maladies chroniques. Ces réseaux sont utilisés par le ministère de la Santé de l'Ontario comme base pour ses équipes de santé de l'Ontario, des groupes de prestataires de soins de santé comprenant des hôpitaux, des médecins et des prestataires de soins à domicile et communautaires qui travaillent en tant qu'équipes coordonnées pour partager la responsabilité de populations définies. Les équipes de recherche nationales et internationales qui cherchent à améliorer le système de santé canadien et à étendre ces connaissances aux systèmes de santé d'autres pays font appel à elle en raison de ses connaissances uniques en tant que statisticienne et chercheure en santé.
En plus d'être une chercheure très accomplie, Thérèse est une leader et une collaboratrice hors pair. Elle a été la première directrice statistique du Dartmouth Atlas of Health Care (1995-2002), qui a mis en évidence d'énormes variations dans les pratiques médicales entre les régions des États-Unis. L'Atlas figurait en bonne place parmi les études citées par l'équipe de réforme du système de soins de santé du président Obama. En tant que vice-présidente de la recherche à l'ICES (2002-2007), Mme Stukel a joué un rôle déterminant dans l'orientation stratégique de la recherche de cette organisation et a contribué à un haut niveau de rigueur méthodologique dans les études d'observation sur la santé de la population, l'utilisation des soins de santé et les résultats.
Thérèse a reçu de nombreux prix en reconnaissance de ses recherches de pointe, de son leadership et de son engagement envers la profession statistique. Elle a été nommée membre de l'American Statistical Association en 2007. En reconnaissance de son mentorat exemplaire auprès d'étudiants diplômés, elle a reçu en 2019 le prix Eugenie Stuart pour le leadership éducatif de l'Institute of Health Policy, Management, and Evaluation, Dalla Lana School of Public Health, University of Toronto. En 2020, elle a été nommée Senior Fellow du Massey College de la University of Toronto.
« À Thérèse Stukel pour ses contributions exceptionnelles au développement et à l'application de méthodes statistiques pour les études d'observation, ainsi que pour son innovation et son leadership dans la production de données probantes pour guider la prise de décision et informer les changements dans la prestation et la politique des soins de santé. »
Tolulope Sajobi et Lisa Lix ont été chargés de la préparation de ce document.