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Membre honoraire de la SSC
1986

Stanley Nash, 1915-2001

Stanley W. Nash est professeur émérite au département de statistique de l’université de la Colombie-Britannique (UBC) depuis qu’il a pris sa retraite en 1983. Toutefois, sa mise à la retraite n’a guère eu de conséquences sur son éminente carrière de statisticien déjà longue et bien remplie.

M. Nash naquit dans la vallée de Yakima, dans l’état de Washington. Il fit ses études de premier cycle au collège de Puget Sound (devenu depuis l’université de Puget Sound), à Tacoma, état de Washington.

En 1940, il entreprit des études en statistique au Statistical Laboratory qui venait d’être fondé à l’université de Californie à Berkeley. La Deuxième Guerre mondiale devait toutefois interrompre ses études pendant quatre ans, soit de 1942 à 1946.

Enrôlé dans le service civil pendant 47 mois, il fut affecté au polygone d’expérimentation de San Joaquin, dans le contrefort de la Sierra californienne où, pendant 42 mois, il assista un phytoécologiste dans ses travaux de recherche. Stanley Nash considère qu’il a eu là une chance extraordinaire, car sa conception de la statistique s’est transformée au contact de l’expérimentation. Il fut notamment chargé d’effectuer une étude statistique du rendement de certaines plantes fourragères. En plus de s’occuper de la planification de l’expérience et de l’analyse des données recueillies, c’est lui qui dut s’occuper des semailles, de la cueillette des échantillons durant la saison de pousse et de l’identification des échantillons recueillis sur chaque parcelle selon les espèces constitutives! D’un point de vue statistique, inutile de dire que ce travail posait des défis extrêmement intéressants, une parcelle d’un pied carré pouvant contenir jusqu’à 20 espèces différentes de plantes fourragères !

M. Nash compléta ses études de doctorat en 1950 et accepta alors un poste au département de mathématiques de l’université de la Colombie-Britannique. En parcourant la correspondance qui entoura son engagement, j’ai appris avec intérêt que sa thèse de doctorat comportait deux volets: une première partie portait sur la théorie de l’expérimentation, tandis que l’autre représentait une contribution à la théorie des probabilités. Cette deuxième partie concernait d’ailleurs l’application de la loi du logarithme itéré aux variables aléatoires dépendantes, ce qui témoigne de la grande diversité de ses intérêts.

À l’époque, c’est Ralph James qui était directeur du département de mathématiques à UBC. Dans la lettre de recommandation qu’il lui adressait, Jerzy Neyman lui disait: « Mon cher James, [ ... ] êtes-vous obligé de m’appeler "Docteur"? » Appuyée par Jerzy Neyman et Michel Loève, membres éminents du corps professoral de l’université Berkeley s’il en fut, la candidature de Stanley Nash fut retenue et on lui offrit, en cette année 1950, un salaire princier qui correspondrait à peu près, de nos jours, au salaire mensuel d’un débutant. Dans la lettre d’engagement, M. James assurait le professeur Nash que « les célibataires n’ont généralement pas trop de difficulté à se loger et l’université met à la disposition des couples mariés des baraques militaires converties en logements confortables, mais sans luxe. » Les lecteurs qui connaissent UBC sauront que ces baraques sont encore debout! Heureusement, on n’y loge plus les professeurs débutants.

Lorsque j’ai moi-même été engagé par le département, en 1967, M. Nash était le seul statisticien à l’université. Il s’était donc établi une clientèle énorme. Il doit être un expert-conseil extrêmement efficace; en tout cas, j’ai découvert que nombreux sont ses clients qui ne jurent que par lui et qui refusent systématiquement de soumettre leurs problèmes de statistique à quelqu’un d’autre. Encore aujourd’hui, il y a des gens qui viennent me voir en tant que directeur du département de statistique pour me demander de leur obtenir un rendez-vous avec M. Nash, et ce même si l’université s’est dotée d’un service de consultation statistique dès 1971. Cet enthousiasme et cette loyauté témoignent de la grande qualité des conseils que prodigue le professeur Nash, fort d’une vaste expérience scientifique, théorique et pratique de la statistique.

Je me souviens aussi d’avoir été très impressionné, lors de mon arrivée à l’université de la Colombie-Britannique, par la fabuleuse bibliothèque personnelle de Stanley Nash. A l’époque, il était encore possible, quoique de plus en plus difficile, de se procurer tous les ouvrages spécialisés en statistique, à l’exception peut-être des manuels les plus élémentaires sur le sujet. C’était pourtant ce que M. Nash faisait. Les murs de son bureau étaient littéralement couverts, de bas en haut, de rayons fort bien garnis tandis que des tas et des tas d’acquisitions récentes étaient empilées sur les tables de son bureau. On trouvait habituellement M. Nash dans un coin de son bureau, occupé à analyser les données d’un client sur une machine à calculer électrique. 

Non satisfait de répondre à tant de besoins de consultation, le professeur Nash s’occupait en outre activement de la formation des étudiants de deuxième et de troisième cycle. Il a dirigé les travaux de trois étudiants au doctorat et de nombreux candidats à la maîtrise. De plus, il a été membre d’innombrables jurys de thèse dans plusieurs départements et facultés, notamment en foresterie et en psychologie. Il s’est absenté de l’université en 1960-61, lorsqu’il a visité le laboratoire de statistique de l’université Iowa State, à Ames. Il s’est de nouveau absenté de 1976 à 1978 pour un voyage en Allemagne.

Le professeur Nash a été une véritable figure de proue dans le développement de la statistique et fait partie de ce petit groupe de personnes qui a contribué à assurer l’essor de la discipline au Canada. À cet égard, ses efforts ont été couronnés en 1966 par son élection à la présidence de la Société de biométrie pour la région de l’Ouest de l’Amérique du Nord. De plus, il a siégé pendant deux mandats au Conseil d’administration de l’Association canadienne de science statistique, l’un des ancêtres de la Société statistique du Canada. À ce titre, il a d’ailleurs joué un rôle prépondérant dans les événements qui ont mené à la création de la SSC. 

Stanley Nash éprouve toujours un vif intérêt pour les sciences statistiques. C’est un avide lecteur de revues scientifiques en général et de revues de statistique plus particulièrement. On le consulte encore régulièrement pour des problèmes de statistique et, grâce à sa grande érudition, il peut toujours fournir sur le champ les références pertinentes. Il est aimé et respecté, à la fois comme aîné de la communauté statistique canadienne, comme collègue savant et stimulant, et comme ami.

James V. Zidek, 1987