Aller au contenu principal

[Retourner à la page des comités de la SSC]

Comité de la recherche de la

Société Statistique du Canada

Énoncé de politique

concernant

les Instituts de recherche en santé du Canada

8 janvier 2000

1. Introduction

La création des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) représente une avancée spectaculaire pour la recherche en santé au Canada. La Société Statistique du Canada (SSC) s'intéresse de très près à la réussite de cette initiative. Beaucoup de membres de notre importante et très active Section de biostatistique développent de nouvelles méthodologies statistiques visant spécifiquement les contextes de santé dans leurs programmes de recherche fondamentale et appliquée, et appliquent cette méthodologie à leurs travaux avec des équipes de recherche dans les disciplines de santé. Le Comité de recherche de la SSC considère que l'initiative IRSC est de la plus haute importance. Les statisticiens feraient bien de s'engager réellement dans cette initiative car l'utilisation d'une méthodologie statistique appropriée et à jour, entraînant une recherche méthodologique solide, constitue une composante essentielle de la recherche de niveau international dans de nombreux domaines des sciences de santé.


Nous croyons que la recherche d'investigation sera la pierre angulaire des recherches financées par les IRSC, et nous appuyons pleinement ce principe. Nous soutenons également l'objectif des IRSC de promouvoir de nouvelles synergies entre chercheurs afin de résoudre les grandes questions de santé, sur la base d'approches intégrées, en collaboration et pluridisciplinaires. À notre avis, le principal objectif des programmes de soutien à la recherche financés publiquement devrait être de promouvoir l'excellence. Un tel programme encouragerait les bons chercheurs travaillant déjà au Canada à rester ici, et encouragerait d'autres à venir au Canada, améliorant ainsi le potentiel de recherche du pays.


Le Comité a identifié deux grandes questions relatives aux sciences statistiques qui peuvent intéresser les IRSC. La première concerne le processus d'application et d'examen des IRSC et la deuxième, le financement de la recherche en méthodologie statistique visant spécifiquement les contextes de santé. Ces questions sont examinées en détail dans les sections suivantes.

2. Processus d'application et d'examen des IRSC

Une grande partie des recherches exécutées en sciences de la santé implique un important travail de collecte de données. C'est notamment le cas dans les expériences contrôlées avec des animaux (toxicologie) ou des sujets humains (tests cliniques de phase I, II et III), dans les études épidémiologiques rétrospectives et potentielles (études de contrôle de cas, de cohortes de cas, et de comportement/intervention), ainsi que dans les études démographiques. Les statisticiens peuvent jouer un rôle important dans ces domaines. Une telle recherche orientée "données" doit beaucoup à la conception d'études efficaces et à une analyse statistique efficace pour extraire le plus d'informations possible des données collectées. La participation d'experts en statistique dans les équipes de recherche effectuant ces études sera très avantageuse pour la qualité des recherches en santé, ainsi que l'ont reconnu depuis longtemps les programmes du NIH.


Afin de garantir que les équipes de recherche intègrent dûment une expertise en statistique, nous recommandons que :

  • Les propositions de recherche comportent une étude approfondie et méticuleuse des composantes statistiques relatives à la conception des études et aux analyses proposées. Les propositions devraient identifier le membre de l'équipe de recherche responsable des conseils statistiques. De préférence, cet individu serait un co-chercheur, de sorte que son expertise soit clairement identifiée. Une description détaillée des analyses statistiques prévues devrait être jointe à toute proposition orientée "données". Il serait également utile de définir des directives explicites relatives aux normes de collecte, d'analyse et d'interprétation des données statistiques pour toute proposition de recherche.


Afin de garantir que les recherches scientifiques exécutées soient de la plus haute qualité, le processus d'examen doit tenir compte non seulement de l'importance des questions étudiées, mais également de l'efficacité avec lesquelles ces questions seront abordées. Pour promouvoir une évaluation explicite et rigoureuse de la qualité des composantes statistiques des propositions, nous recommandons que :

  • Les comités d'examen par les pairs demandent la contribution de statisticiens lors de leur évaluation de propositions de recherche. Toute proposition impliquant la collecte, l'analyse et l'interprétation de données statistiques devrait être envoyée à des statisticiens pour examen de la conception de l'étude et de l'analyse. Les comités d'examen par les pairs dans les disciplines pour lesquelles la recherche orientée "données" est prépondérante devraient inclure un membre statisticien. D'autres comités d'examen par les pairs pourraient s'assurer les services d'un statisticien comme "conseiller" pendant le processus d'examen.


Nous reconnaissons que cette seconde recommandation est déjà suivie dans une certaine mesure. Par exemple, les comités d'examen par les pairs du CRM 1999/2000 pour les Essais cliniques et la Santé publique comptent des statisticiens parmi leurs membres, dont notamment certains membres de la SSC. Nous craignons toutefois que cela ne soit pas aussi répandu que souhaitable. Par exemple, les comités d'examen par les pairs qui n'ont pas de statisticiens parmi eux peuvent avoir des difficultés à identifier les propositions dont les composantes statistiques devraient être examinées et les experts en statistique les mieux placés pour examiner ces propositions. De telles occasions manquées de fournir des remarques aux postulants quant à la conception d'études et l'analyse statistique résultera en une exploitation moins qu'optimale de ressources limitées, et la qualité des recherches en santé en souffrira par conséquent.


La mise en oeuvre de ces recommandations garantirait un examen rigoureux des composantes statistiques des propositions de recherche soumises aux IRSC et mènerait à une meilleure collaboration entre statisticiens dans les recherches de laboratoire, cliniques et épidémiologiques. Un tel engagement met les statisticiens en contact avec des questions importantes qui surviennent dans les sciences de la santé lorsque le besoin de nouvelles méthodologies statistiques se fait sentir. Cela mène à un "cercle vertueux" d'activités de recherche accrues dans les deux disciplines, des études plus efficaces et des conclusions plus défendables dans la recherche en santé.

3. Financement de la recherche en Méthodologie statistique

Les statisticiens ont joué un rôle important dans la recherche en santé depuis l'époque de Florence Nightingale, mais la plupart des apports les plus importants datent des dernières décennies. La recherche statistique sur la conception d'essais cliniques a apporté une plus grande crédibilité scientifique et une plus grande efficacité aux études critiques de nouvelles thérapies. Les derniers progrès dans ce domaine incluent les conceptions séquentielles de groupe et d'autres modèles permettant de planifier des analyses intermédiaires pour permettre l'interruption prématurée d'essais afin de faire profiter les patients n'ayant pas participé à l'étude d'une nouvelle thérapie efficace plus tôt qu'il n'aurait été possible autrement. Plus récemment, les statisticiens ont conçu de nouvelles méthodes pour analyser les données collectées par les épidémiologistes dans les études de contrôle de cas et de cohorte. Cela a permis l'utilisation de techniques statistiques pour planifier le sur-échantillonage de cas pour plus d'économies, tout en garantissant l'efficacité et l'exactitude des études. La recherche continue dans ce domaine.


L'une des récentes percées dans le domaine de la recherche en santé est le développement en 1972 par le statisticien britannique, Sir David Cox, de la méthode de "vraisemblance partielle". Celle-ci permet l'évaluation statistique de données temps-événement en la présence de censure et utilise le modèle des risques proportionnels (ou "modèle Cox") pour incorporer l'influence des variables explicatives. Cette découverte a donné lieu à une explosion d'activités de recherche en "analyse de survie" qui continue jusqu'à présent. Les statisticiens canadiens ont joué un rôle très important dans ces avancées. Cette découverte a permis de considérablement augmenter le volume d'informations pouvant être extraites des données collectées dans la plupart des essais cliniques. L'analyse de ces expériences est devenue beaucoup plus instructive, fournissant des évaluations plus précises des thérapies et une meilleure compréhension de l'évolution des maladies. Des extensions du modèle Cox visant l'analyse d'expériences impliquant des événements "durée de vie" multiples sont en cours de développement actif.


Le domaine de l'analyse de survie n'est qu'un exemple de recherche en méthodologie statistique visant spécifiquement les contextes de santé. D'autres domaines d'activité récente et actuelle sont, notamment, des modèles stochastiques permettant de mieux comprendre l'évolution future de l'épidémie du SIDA, des méthodes de validation et d'analyse d'indicateurs biologiques et de points finaux de substitution utilisés pour améliorer l'efficacité des études, des méthodes permettant une analyse plus complète des données de qualité de vie, des méthodes d'analyse de données d'imagerie médicale, ainsi que des méthodes permettant de traiter les grandes erreurs de mesure qui peuvent survenir, par exemple, dans les études sur les régimes alimentaires et les maladies.


Le CRM et le PNRDS ont de temps à autre, mais assez rarement, financé des projets et chercheurs en statistique. Le NIH a de longue date un programme de financement de recherche en méthodologie statistique adapté aux contextes de santé, ce qui explique en partie pourquoi le domaine de la biostatistique a prospéré davantage aux États-Unis. Le fait que plusieurs éminents chercheurs en biostatistique travaillant aux États-Unis aient commencé leur carrière professionnelle dans des universités canadiennes puis aient déménagé aux États-Unis s'explique peut-être par les niveaux de financement plus intéressants proposés aux bons chercheurs en biostatistique aux États-Unis. De même, en grande partie grâce au soutien du NIH de la recherche en méthodologie, les jeunes espoirs de la biostatistique trouvent un environnement de recherche plus favorable au sud de la frontière, où de nombreux groupes de recherche en statistique affiliés avec des centres médicaux reçoivent une grande partie de leurs fonds du NIH. Il n'existe pas de groupes comparables au Canada. Le NIH a depuis longtemps fourni un profond soutien à la recherche en méthodologie statistique et voit ses efforts nettement récompensés par la qualité de la recherche en santé dans son ensemble.


Pour encourager le développement de nouvelles méthodologies statistiques pour les contextes de santé, nous recommandons que :

  • Les IRSC établissent un mécanisme de financement pour la recherche en méthodologie liée aux contextes de santé. Comme toute nouvelle méthodologie statistique développée dans un contexte de santé trouve des applications dans d'autres contextes, ce mécanisme devrait s'appliquer à tous les instituts qui vont être créés.

4. Conclusion

Le Comité de recherche de la SSC soutient fermement l'initiative IRSC. Les recommandations ci-dessus visent à améliorer le succès des IRSC. La méthodologie statistique joue un rôle très important dans la recherche en sciences de la santé et les statisticiens du Canada ont beaucoup à apporter à la réussite de cette initiative.   

Comité de recherche, Société statistique du Canada :
John Petkau, Université de Colombie britannique, Président
Charmaine Dean, Université Simon Fraser
Agnes Herzberg, Université Queen's
Louis-Paul Rivest, Université Laval
James Tomkins, Université de Regina

Addenda :

Le 13 janvier 2000, le président Kalbfleisch a transmis ce document à Dr. Henry Friesen, Président du Conseil d'administration provisoire des IRSC, ainsi qu'à d'autres au CRSNG, au CRM et aux IRSC. Il a reçu une réponse en date du 25 janvier de Dr. Mark A. Bisby, Directeur de la division Programmes du CRM. Dr. Bisby remarque que le comité d'examen par les pairs "nouvellement créé dans le domaine de l'information de santé'' considère "la statistique de santé et la biostatistique" comme une partie intégrante de son mandat. Il nous demande de faire savoir aux membres de la SSC que "le CRM et son successeur, les IRSC, sont dès à présent prêts à examiner des propositions de recherche dans ce domaine".